On pense souvent que le français règne en maître incontesté sur le territoire. Pourtant, une autre langue s’impose discrètement, parlée au quotidien par des millions de personnes. Et ce n’est ni l’anglais, ni l’occitan, ni même le breton.
Une langue sans statut… mais bien ancrée
Avec trois à quatre millions de locuteurs, l’arabe dialectal occupe aujourd’hui la seconde place sur le podium des langues les plus parlées en France. Un chiffre qui peut surprendre, tant cette langue reste peu visible dans l’espace public et institutionnel. Et pour cause : elle n’est officielle nulle part, pas même dans les pays où elle est née.
C’est ce statut particulier qui lui vaut d’être classée parmi les langues de France. Contrairement à ce que laisse entendre cette appellation, il ne s’agit pas uniquement de langues régionales comme le basque ou l’alsacien, mais aussi de langues non-territoriales, parlées par des citoyens français depuis plusieurs générations. L’arabe dialectal, avec ses multiples variantes (marocain, algérien, tunisien, mais aussi libanais ou égyptien), en fait partie.
Une mosaïque linguistique loin d’être figée
Ce qui rend cette langue aussi fascinante que complexe, c’est sa diversité interne. Loin d’être un bloc homogène, l’arabe dialectal se décline en formes très différentes, parfois si éloignées qu’un locuteur marocain aura du mal à comprendre un Syrien. Pour donner une idée, des linguistes comparent ces écarts à ceux qui séparent le portugais du roumain.
En France, la forme maghrébine est largement majoritaire, en raison des vagues migratoires venues d’Afrique du Nord tout au long du XXe siècle. Mais même au sein de cette catégorie, il n’existe pas de version unique ou « standard » de l’arabe du Maghreb. Chacun parle son dialecte familial, souvent transmis oralement, rarement appris à l’école.
Une richesse culturelle souvent ignorée
Ce statut particulier – langue très parlée mais peu reconnue – s’explique aussi par une certaine invisibilité institutionnelle. L’arabe dialectal est rarement enseigné, peu valorisé dans les médias ou les cursus universitaires. Et pourtant, il fait partie du patrimoine linguistique français, au même titre que le breton ou le corse, selon le ministère de la Culture.
Cette reconnaissance officielle est d’ailleurs relativement récente. Ce n’est qu’en 1999 que l’on a défini plus précisément les « langues de France » pour inclure ces langues transmises au sein de familles installées depuis longtemps. À condition, toutefois, qu’elles ne soient langue officielle d’aucun pays, ce qui exclut l’arabe classique, ou littéral, celui des médias et des textes religieux.
Une réalité linguistique en pleine mutation
Le recensement du nombre réel de locuteurs reste complexe. Beaucoup se disent arabophones « de naissance », sans forcément maîtriser la langue au quotidien. Et à l’inverse, certains la parlent couramment, mais ne la revendiquent pas comme langue maternelle. Un flou culturel qui reflète les évolutions de la société française : brassage des origines, diversité des identités, richesse des pratiques linguistiques.
Loin d’être un simple vestige du passé, l’arabe dialectal s’impose comme un marqueur vivant de la pluralité française. Une langue de tous les jours, parlée dans les foyers, les marchés, les quartiers… et désormais reconnue comme un élément constitutif de notre patrimoine commun. Comme quoi, la France ne parle pas qu’une seule langue. Et c’est tant mieux.
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